La semaine dernière, nous avons effleuré la question des Bénéficiaires Effectifs (B.E.). Revenons sur ce sujet d’apparence assez simple, pour en évoquer la complexité cachée. Question de terminologie, tout d’abord : on avait tendance, par le passé, à utiliser le terme « Bénéficiaire économique » ou sa variante anglo-saxonne de « Beneficial owner », ou encore son abréviation UBO. J’aime bien ce dernier terme, car le « U » de « Ultimate » précise bien la notion de finalité. Ceci dit, le texte francophone de la 4° Directive parle de « Bénéficiaire effectif ». Nous nous en tiendrons à ce terme.

Que dit le texte légal ?

Au départ, l’article 3 de la 4° Directive définit le Bénéficiaire effectif comme étant : « … la ou les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent le client … »

Le début de la phrase qui stipule « la ou les personnes » introduit la notion de groupe de personnes pouvant être qualifiées de Bénéficiaires Effectifs. Nous y reviendrons.

Le paragraphe suivant (a, i) de l’article introduit la notion de contrôle direct ou indirect sur un pourcentage suffisant du capital. Plus loin, la notion de « pourcentage suffisant » est définie comme étant de plus de 25% du capital.

Le paragraphe a), ii) envisage également le cas où il n’est pas possible d’identifier de B.E. Dans ce cas, c’est la (ou les …) personne physique occupant la fonction de « dirigeant principal » qui est réputée être le B.E.

Qui contrôle ?

Revenons à la question de contrôle. D’une manière générale, dans le langage courant, lorsque l’on parle de propriétaire, on pense d’emblée la personne détenant la majorité des parts. Parce que l’on associe le nombre de parts au nombre de droits de vote. Ce qui n’est pas nécessairement vrai. Nous savons tous que l’on peut organiser le capital d’une société en différentes catégories de parts, chacune possédant différents pouvoirs de vote, voire pas de droit de vote du tout. Ce sera donc la capacité à voter, donc à contrôler la société, qui sera prépondérante dans la détermination du ou des Bénéficiaires Effectifs.

Le mille-feuille

La notion de « personne physique » est primordiale. Cela signifie que dans le cas de détention en cascade, nous sommes censés remonter jusqu’à la personne physique ultime (mon fameux U de Ultimate). Cette démarche peut être fastidieuse, certaines personnes étant attachées à la discrétion, multiplient les couches de participation. D’où cette appellation de mille-feuille.

Le seuil des 25%

Dans l’esprit de nombre de professionnels, il y a souvent confusion quant à savoir quels actionnaires il faut identifier en pratique. C’est évidemment une question de circonstance. On n’a pas la même approche face à une société cotée et à un fonds d’investissement. Dans le monde des PME, je dirai qu’il faut identifier tout le monde… C’est une question de visibilité pour le professionnel qui doit être attentif à toutes les implications (ne fût-ce que pour la préparation des AGO … qui convoquer ?) que peut avoir la connaissance de l’actionnariat. Quand on est proche de l’entreprise, il ne faut pas se limiter aux obligations découlant des Directives.

C’est à partir d’une détention de plus de 25% que la Directive considère que l’on est propriétaire d’une société, donc B.E.. Mais nous avons vu que ces 25% peuvent être détenus par un groupe de personnes physiques liées entre elles par différents types d’accords. En vue de déterminer s’il y a un groupe ou non, on en revient à la manière dont ces personnes votent. Si elles votent ensemble, il y a donc un groupe. Cela veut dire, par exemple, que 5 personnes détenant chacune 10% des droits de vote mais qui, pour diverses raisons, votent ensemble, seront considérées comme un groupe, donc identifiées chacune comme B.E.

La question de savoir qui est B.E. aux yeux de la 4°Directive est également d’importance dans l’optique des registres des Bénéficiaires Effectifs qui sont en train de se mettre en place, il va se poser la question de savoir qui il convient de déclarer comme B.E. ou non.

Le registre des B.E. étant très fraîchement créé en Belgique et devant être modifié en France, je reviendrai sur le sujet, notamment lorsque j’aurai instigué en profondeur comment a été résolue, en pratique, la question des B.E. agissant de concert.

Rendez-vous la semaine prochaine pour parler de l’évaluation du risque généré par l’entrée en relation et par la vigilance qui doit en découler.

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